Travaillez comme le bon soldat du Christ-Jésus, pour « la paix du Christ dans le Règne du Christ ».

Christ the King stained glass window

 

Voici un extrait de la cinquième édition de la Fête spéciale de Jésus-Christ Roi, par le R.P. Édouard HUGON, O. P.   : petite lecture opportune pour la Fête du Christ-Roi, fête que nous vous souhaitons bonne et surtout sainte !

S’il fut toujours opportun d’affirmer et de venger les droits de Dieu, il est souverainement nécessaire de les proclamer à une époque dont le crime est l’apostasie de la société, comme si celle-ci pouvait impunément se passer de Dieu. « Le principal crime que le monde expie en ce moment, écrivait le cardinal Mercier dans sa Pastorale de 1918, c’est l’apostasie officielle des États… Je n’hésite pas à proclamer que cette indifférence religieuse, qui met sur le même pied la religion divine et la religion d’invention humaine, pour les envelopper toutes dans le même scepticisme, est le blasphème, qui, plus encore que les fautes des individus et des familles, appelle sur la société le châtiment de Dieu. » Le cardinal Pie avait dit de même : « Le présent, c’est Jésus-Christ chassé de la société, c’est la sécularisation absolue des lois, de l’éducation, du régime administratif, des relations internationales et de toute l’économie sociale. »

Pour réparer ce crime de lèse-divinité, il faut exalter Jésus-Christ comme roi universel, des individus, des familles, des sociétés. Ce sera la réfutation pratique du laïcisme, qui est une des plus grandes calamités de notre temps. C’est sous trois formes principales qu’il faut le combattre.

Le laïcisme prétend tout d’abord que la religion est une affaire d’ordre purement privé, que les pouvoirs publics n’ont pas à s’en occuper, que sa notion même l’exclut des devoirs de la société.
— Si la royauté universelle du Christ est proclamée, si son règne social est reconnu, l’erreur aussitôt est atteinte dans sa racine et par là même triomphe la vérité qu’exprimait Léon XIII : « Il est manifeste que la société est liée envers Dieu par des devoirs très nombreux et de première importance, auxquels elle doit satisfaire en rendant à Dieu un culte public. La nature et la raison qui prescrivent aux individus d’honorer Dieu parce qu’ils sont entre ses mains, viennent de lui et doivent retourner à lui, disent aussi que la même loi astreint la société civile (1). »

En second lieu, le laïcisme enseigne que, si une religion est à suivre, on peut suivre, on peut choisir celle qui plaît, et que la société est absolument libre de rester neutre.
— La proclamation solennelle du règne universel de Jésus-Christ frappe cette nouvelle forme de l’erreur et dit au monde que l’unique religion véritable est celle que le Fils de Dieu a daigné nous apporter, «  Dans le culte que nous devons à la divinité, poursuit Léon XIII, il faut absolument  suivre celui que Dieu a manifestement déterminé lui-même. Or il n’est pas difficile de voir quelle est la véritable religion, si l’on considère, avec un jugement prudent et sincère, les arguments nombreux et éclatants qui l’établissent : la vérité des prophéties, l’abondance des miracles, la rapide propagation de la foi au milieu d’ennemis et d’obstacles de toute sorte, le témoignage des martyrs. Ces preuves et d’autres semblables font voir qu’il y a une seule religion vraie, celle que Jésus-Christ a instituée et qu’il a chargé son Église de défendre et de propager (2). »

Enfin, ce qui caractérise le laïcisme c’est la haine et l’horreur qu’il a du surnaturel. Le diable a péché dès le début (3), en rejetant le surnaturel proprement dit, et de même le laïcisme, qui est l’esprit satanique, se fait un dogme et une religion de combattre le surnaturel par tous les moyens possibles et de l’exclure de l’humanité. On peut dire que toute la lutte actuelle se résume, en définitive, dans une lutte contre le surnaturel. — Or le surnaturel se manifeste efficacement dans le Verbe incarné pour notre rédemption. Du fait donc que Jésus-Christ est reconnu comme roi universel, la nécessité et la vérité du surnaturel sont promulguées, le laïcisme est réfuté et la divine mission de l’Eglise est affirmée. « Le Fils unique de Dieu, dit encore Léon XIII dans le même document, a institué sur la terre une société, l’Eglise, à laquelle il a confié la haute et divine mission de transmettre jusqu’à la fin des âges ce qu’il a lui-même reçu du Père : comme le Père vous a envoyé, moi aussi je vous envoie. »

Et, en frappant le laïcisme, cette proclamation hâterait la réalisation du magnifique programme de Pie XI : « la paix du Christ dans le règne du Christ ».

La paix, selon une célèbre définition de saint Augustin, est la tranquillité de l’ordre : tranquillitas ordinis (4). Et l’ordre demande que, partout où il y a pluralité, inégalité, diversité, chaque chose soit à sa place : Parium dispariumque rerum sua cuique loca iribuens dispositio. Ainsi donc, pour assurer la paix, il faut établir l’ordre, et pour établir l’ordre il faut mettre chacun à son rang. Dans l’individu, la paix requiert que le corps soit soumis à l’âme, les appétits inférieurs à la raison, et la raison à Dieu ; dans l’univers entier, la paix demande que toutes les sociétés, la famille, la patrie, les nations, soient soumises au Christ roi comme le Christ est soumis au Père.

Proclamer Jésus roi universel et dilater son règne, c’est donc préparer et garantir la paix, en même temps que le triomphe de l’Église, « Non, s’écrie Bossuet, non, Jésus-Christ ne règne pas si son Église n’est autorisée : les monarques pieux l’ont bien reconnu ; et leur propre autorité, je l’ose dire, ne leur a pas été plus chère que l’autorité de l’Église (5)» Pie XI avait grandement raison de dire dans sa première encyclique : « Nous ne pouvons pas travailler plus efficacement pour la paix qu’en restaurant le règne du Christ (6). »

Les événements actuels ajoutent à ce langage une éclatante et douloureuse confirmation. Le mouvement bolchéviste, qui, après avoir ravagé la Russie, se répand en Orient et menace d’envahir le monde musulman tout entier, et peu à peu aussi l’Europe, devrait faire comprendre que l’esprit du mal règne fatalement où ne règne plus le Christ, « Quand la religion n’est plus la médiatrice des rois et des peuples, le monde est alternativement victime des excès des uns et des autres. Le pouvoir, libre de tout frein moral, s’érige en tyrannie, jusqu’à ce que la tyrannie devenue intolérable amène le triomphe de la rébellion. Puis de la rébellion sort quelque nouvelle dictature, plus odieuse encore que ses devancières (7). »

Le moyen donc de conjurer l’immense péril des temps nouveaux, c’est de proclamer et d’établir le règne de Jésus-Christ, ainsi que celui de son Église, société spirituelle parfaite, avec ses dogmes immuables, sa morale intangible, ses droits imprescriptibles.

Une autre utilité de cette proclamation, ce sera de tremper les caractères. Ce qui a trop souvent manqué aux chrétiens de notre époque, ce sont cette énergie, cette vaillance, cette constance auxquelles sont réservées les grandes victoires. Mais s’ils avaient devant les yeux le Christ-roi, qui les invite à la lutte pour sa cause, ils se sentiraient entraînés à sa suite en s’appliquant les paroles de l’Apôtre : Travaillez comme le bon soldat du Christ-Jésus (8).

Pour tout résumer en peu de mots, déclarer authentiquement la royauté universelle de Notre-Seigneur, c’est donc proclamer pour les individus, les familles, les nations, toutes les sociétés, l’obligation de soumettre au Christ toutes les intelligences par la foi en sa doctrine, toutes les volontés, toutes les lois et la vie tout entière, par l’obéissance complète à ses commandements et par la reconnaissance effective de son Église.

1 LÉON XIII, Encyclic. immortale Dei, Acta, vol. V, p. 123.
2 ibid., p. 123, 124.
3 Cf. S. THOM., Ia, q. 63, a. 3.
4 S. AUGUSTIN, De Clvit. Det, îib. XV, c. XIII; P. L . , XLI, 640.
5 BOSSUET, Troisième sermon pour le dimanche des Rameaux.
6 Act. Apost. Sed., XIV, 690.
7 Cardinal Pie.
8 II Tim., 3